France. 130km/h.

Allemagne. Fin de limitation de vitesse.

Sauf quand on fait 100 kms sur une file à cause des travaux. On sera pas à Vienne ce soir !

On passe par Passau. Dernière ville avant la frontière Autrichienne. Ca sonne brésilien mais on est bien en Europe de l’est. DDR. C’est pas une abréviation pour chatter sur MSN. Ca veut dire Allemagne de l’est. Même plus peur depuis que la Stasi est sous anesthésie. Mais même si on est le plus à l’est de l’Allemagne, on n’est pas dans l’ex-Allemagne de l’est ! Va comprendre. On croit à une ville pourrie, en fait c’est une jolie ville fortifiée entourée par deux fleuves. Une ile saint louis. L’église veut faire sa russe alors elle finit en toit d’oignon.

7h00 : les téléphones se mettent au diapason. Bourdonnement de ruche. Gaelik :« Il est sept heures ! » Julien : « non à ma montre il est huit » On a du mal à gérer le passage de la frontière et à l’heure d’hiver. Perdus dans l’espace –temps. Julien fait la fille sous la douche : « oui c’est vrai que je suis un peu long mais je me lave vraiment ! S’agit pas seulement de ressortir mouillé ! » « T’es pas obligé non plus de te décaper ! Parce que là t’as des bouts de peau qui pendent ! » « Oui ben ca s’appelle … » « la lèpre ! ».

Un beau p’tit dej’ avec café, thé, confiture et Nutella à discrétion. Alors Gaelik fourre discrètement cinq pots de Nutella dans ses manches. Prestidigitation !!!

La langue c’est pas ça ! Dans la salle du p’tit dej’, une nana me dit « morgen » pour bonjour mais je comprends wagen … volks-morgen !!! En même temps c’est la seule langue où une fille te rend un sourire quand tu lui dis « Bitte » !

Il faut que Vienne vienne avant que ne m’habite ma … colère. Et on y arrive finalement. Gaelik refuse de rentrer dans une église comme un enfant qui n’aime pas la couleur du papier cadeau. Jamais entendu parler de la beauté intérieure ? Dommage car si l’extérieur est simple, sommaire et épuré, l’intérieur est surchargé, baroque et doré ! Une statue de gisant est un vrai squelette qui exhibe sans honte ses côtes à travers un habit à paillettes.

On flaire un restau : « T’as déjà mangé du goulash ? » « Non mais mon grand-père a été déporté dans un goulash et je peux te dire que quand il est revenu il était pas fringant ! ». Par respect pour mes aïeux, je me rabats sur un Kasespatzele mit gerosteten speck und zwielen dazn gruner salad. Avec de la salade donc. Eh bien paradoxalement c’était bon.

Les chevaux qui font la queue devant les carrosses (si si !) ont des capotes sur les oreilles. Jouissance de cérumen. Ca sent l’écurie. Une jolie blonde passe à côté des canassons. Une bouche purpurine devant un caca pur purin.

Dans le métro, les portes sont hémiplégiques. Ca s’ouvre que d’un côté. Ecologie. En face d’une grande église, on rénove une façade. Karcher d’un côté pendant que derrière, les sculptures déjà lavées commencent lentement à reprendre une teinte noirâtre. Les échafaudages sont des étagères à ouvriers. Ils les empilent comme les livres d’une bibliothèque.

On se fait appâter comme des touristes que nous sommes. Un concert classique classique. Trente-cinq euros pour un pestacle de fin d’année du conservatoire de Fécamp. Avec rires et coupe de champagne exclusivement réservés aux deux cent premiers inscrits. Dans la salle, cent quatre-vingt places assises.

Même pas croisé le beau Danube bleu qui se cache dans la ville. Alors on boude et on part à Prague. On roule sur la nationale. On tombe dans le panneau. Cent bornes avant de rejoindre l’autoroute. La prochaine fois, on regardera la carte avant !

La campagne tchèque est humide. On monte sur une petite butte et on sort du brouillard comme d’une apnée sous l’eau. Une bouffée d’air, le ciel bleu. Nos sens retrouvent leur fonction, la vue n’est plus trouble, l’ouïe se recouvre. Avant de retomber dans la vallée et de se faire ravaler par le nuage. Les couleurs de l’automne campent sur le bord de la route. Comme les comptines enfantines qu’on apprenait à la rentrée. On traverse des forêts rouge, jaune, orange, marron, beige. Et du vert qui fait de la résistance. Le haut des arbres a honte de l’automne. Il rougit !

Juste avant Prague on passe par Jnojmo, ville de routiers. On passe entre les sex-shops et les baraques qui vendent des nains (sex-toy ?) et toutes sortes d’objets en porcelaine à entreposer dans le jardin. Une aire d’autoroute façon centre commercial cultive le bon gout en carton pâte. Des pizzerias en forme de château et des dragons pour monter la garde. Couché, Rex !

On se fait une spécialité de passer dans le pays pendant la fête nationale. Après l’am-sud on coche Czech republic et Osterreich. Je m’emmerde à l’arrière de la voiture, alors je fais du yoyo avec une araignée qui a tissé un fil sur mon doigt.

Prague, je pourrais y aller tous les Week-end ! En plus c'est agréable de revoir une ville, de se souvenir, l'impression d'être un peu chez soi ! Des façades magnifiques, des statues partout qui jouent à un-deux-trois soleil.

On a envie d’emprunter de jolies arcades mais on les rend bien vite car elles puent la pisse.

On croise deux femmes enceintes côté à côte : un kinder bueno. Un dos d’âne.

Et toujours des églises. Intérieur-extérieur, sobriété-exubérance. Des baraques baroques : piliers entortillés comme de la guimauve de fête foraine, fresques pastels, de l’argent à profusion, des angelots, des sphères dorées. De la peinture biblique, catholique et apostolique. En veux-tu, en Vlatva ! C’est moins connu que le Danube mais c’est pas moins beau. On passe le pont Charles sur lequel on n’y danse pas !

Les Tchèques sont accueillants, ils nous cueillent comme des fruits trop murs. Le sourire en option. Je confesse avoir connu des distributeurs automatiques qui avaient plus de chaleur humaine.

Un homme pousse avec son pied un pavé cubique qu’il rentre dans son terrier à grand renfort de talon. Les voitures aussi ont leurs escaliers. Un immeuble fait l’original. Chacune de ses fenêtres a une forme différente des autres, des romanes en pointes, des arrondies, des rectangulaires, des travaillées.

Le tramway fait des bruits électriques de remontées mécaniques. Comme sur un tire-fesse à Kitzbühel. Accrochées aux rames, les antennes en losange sautent sur les fils électriques qui posent leurs toiles d’araignée sur la ville.

Les façades sont sculptées, travaillées et fleurissent de feuilles en plâtre. Elles pullulent de fenêtres. Toute cette lumière dans les appart’, ça doit donner envie de cueillir des baies vitrées.

En haut les frontons font les chapeaux. Sur les très beaux immeubles, ils laissent place à des coupoles qui bulbent.

La place Venceslas ressemble à l’artère principale de Lisbonne avec ses grandes enseignes lumineuses accrochées au dernier étage.

Au château, on assiste à la relève de la garde. Ils sont morts de rire. Ca faisait moins son malin en 68, au printemps … Putain de chute du mur ! Dans la cathédrale, on ne peut pas monter au belvédère pour cause de travaux. On se console avec le vitrail de Mucha.

Mucha toujours. La poste est magnifique, rien à voir avec les open-space blancs et carrés de la poste-finance. Une verrière nous domine et nous douche de lumière. A 360°, le haut des murs est poinçonné de fenêtres. Dans les intervalles, de jolies fresques d’inspiration Mucha font onduler les rubans et la verdure. Du vert et du rouge principalement, dans des tons assez mats.

Mucha encore. En face du musée d’Alfons où on redécouvre les affiches de Sarah Bernhardt, l’hôtel palace est gardé par deux grands bonhommes. Ces statues bras tendus à l’horizontale tiennent dans leurs mains des lampes en forme de parchemin.

On ne s’arrête plus devant l’horloge astronomique de la vieille ville. Une odeur de vin chaud et de cannelle emménage dans mon nez. Une odeur d’hiver. Elle m’inonde malgré la capuche et l’écharpe qui me camouflent.

Retour à Paris et on se perd à nouveau dans la campagne tchèque. Sur le bord de la route à côté d’une station service, un homme fait de la buée dans sa BX et tient un stand de couronnes mortuaires posées sur son capot. Les dernières couronnes tchèques après le passage à l’euro. On s’interroge devant cette vision surréaliste : prévention routière locale ?

Vienne prague 2009

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