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Mes mots, ma malle, mon monde
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  • L’amour de l’aller-retour. Eperdu des allers-venus. Pas fou, nomade ! Des valises sous les yeux, l’ exode en bandoulière. Passager sans destin, tueur à bagages, je viens vous raconter les pérégrinations de ma valise. Je m’éclipse et m’explique …
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27 janvier 2010

Depuis Arequipa

Il fait gris sur Arequipa, on pourra donc pas voir le volcan Misti coiffé de neige. Il est aveuglé par les nuages. Les nuages jouent à colin-maillard avec lui.

On prend un ticket pour aller faire un tour de manège. Un taxi. A Arequipa, 80% sont des pots de yaourts jaunes. Des espèces de fiat 500, parfois tunées jusqu’aux petites lumières bleues sous les bas de caisse. Sur le toit, toutes portent le numéro de leur agence qui brille comme un numéro de téléphone rose. Un chauffeur + deux passagers. Un coffre inexistant. Les sacs à dos prennent plus que la place du mort. On s’entasse. Et c’est partit pour le grand huit. Sans ceinture. Même pas la frousse ! On joue à se faire peur. On passe là où normalement ça ne passe pas … et sans toucher aux rétros. Tout le monde klaxonne pour rien. Les policiers sifflent pour personne. Bordel. On passe au carrefour à l’instinct et on s’arrête cinq centimètres à temps. On frôle les pieds des piétons qui s’avancent parfois sur la chaussée, se ravisent et retournent en sécurité sur le trottoir. Ma main se crispe sur la poignée passager à chaque fois qu’on arrive un peu vite dans une intersection un peu bondée ou quand un piéton téméraire traverse en courant. On serre les fesses et on ferme les yeux à chaque fois qu’il oublie un panneau « pare ! ».

Les enfants vendent des bonbons et des chewing-gums comme les pakistanais de paris vendent des roses dans les restaus. Dans plusieurs bâtiments, des panneaux « zona segura en caso de seismos » nous dispensent de traduction. Effectivement on se sent tout de suite en sécurité.

« No te preocupas ». Il faut se méfier de cette phrase ici. Ca veut forcément dire qu’il va y avoir une merde. Ca ne manque pas ! Neige en altitude. Ca peut retarder notre départ alors on joue les pénitents en rentrant dans une église et paf ! La virgen de la nieve, la vierge de la neige en Français dans le texte. On lui fait une prière. Demain, si elle le veut bien c’est Cuzco en guise d’in-cas. Devait avoir les oreilles gelées la vierge ! On reste bloqué comme des cons sur Arequipa ! Pas foutus de déblayer trois pauvres centimètres de neige … Un jour de perdu. Dix de retrouvés ? Pas sûr que le proverbe fonctionne ici. Dans chaque chose négative on trouve du positif dit laeti.  Elle avait raison pour Uyuni (où nous avons rencontré les grenoblois), pour Puno (que nous avons involontairement remplacé par la jolie Copacabana) … elle aura raison cette fois encore. Ben voilà, à l’hôtel, je bavouille pendant une demi heure avec Mama claire, la gérente de l’hôtel qui me raconte des légendes sur le volcan local, le Misti. Il lui a volé un chapeau quand elle était encore jeune et guidait les quelques touristes qui s’aventuraient à ses pieds. Elle me raconte que le Misti s’habille en blanc une fois par an (c’est pour notre pomme) pour plaire à Chan-chan, son épouse de montagne. Mama claire a la tchatche, elle est rigolote. Elle aime raconter ses histoires de mamie alors je l’écoute en souriant. Son fils et sa fille assis comme nous sur le canapé de l’accueil regardent un soap à la télé.

Quand je monte dans le bus pour Cuzco, je suis debout à mon siège à l’avant du car. Une mamie tortue colorée me demande de lire sa place sur son ticket. « 19… un peu plus loin » lui dis-je dans la langue de Spinoza. Un papi suit derrière et me demande où se trouve la 40. Au fond du bus, je suppose. Il se rend alors compte que je ne suis pas un agent de la compagnie de car.

On passe au milieu des montagnes enneigées et mouchetées de pierres noires. On croit monter au ski et on s’attend à voir les premiers tire-fesses. La neige a fait trois accidents la veille au soir. Pendant que nous pestions de ne pas pouvoir partir. Peut être était il effectivement plus judicieux de perdre une journée ... Des panneaux jaunes en forme de losange : « attention, traversée de Vigunas » bordent la route et donnent un côté exotique au trajet.

Un nouveau vendeur de poudre magique essaie d’installer la télé. Des fils pendent de tous les côtés. Il crie au chauffeur « A quoi il sert ce bouton ? ». Il appuie plusieurs fois un peu partout, sort une télécommande qui tombe sur la tête d’un passager. Il passe sa main devant l’écran noir. Comme un docteur devant les yeux d’un aveugle. Au final, la neige se change en film : « the patriot » avec Mel Gibson. Mouais ! Ca fera toujours passer deux heures. Le vendeur de poudre est fier de lui et lève un pouce triomphant en direction du chauffeur qu’il rejoint à l’avant, dans la cabine. Mais s’il n’y a rien à redire à l’image, le son dolby-surround ressemble à une radio mal réglée. On comprend rien. Tant pis on inventera les paroles. Le vendeur semble s’en rendre compte car il vient régler le son. C’est compréhensible dix minutes puis ça redevient une soupe inaudible, un homme privé de dents qui chercherait à communiquer. Muet puis grésillant pendant les batailles. On a donc la chance d’avoir le bruit des explosions, en saturé. The patriot est un film de guerre … Finalement aux trois quart du film, l’image se coupe. On voit le reflet du couloir de bus et la lumière de la route qui défile de chaque côté. Ce serait un soulagement si le son ne continuait pas son travail de sape. Personne ne se plaint. Laeti se lève et éteint. On le louera en DVD !

Je m’arrête faire pipi à Puno. J’attends mon tour aux pissotières qui ressemblent toujours à des abreuvoirs. Strictement rectangulaires. Je regarde mes chaussures. Quand c’est mon tour, je prends soin de passer au large du papi qui me libère sa place. On va tacher de ne pas être en contact avec son pantalon tâché. Je me faufile, me dézippe mais quand je lève la tête, je tombe nez à nez avec la rue. Les persiennes en plastiques sont grandes ouvertes. Au premier plan, les cheveux d’une femme appuyée contre le mur. Derrière, les passants qui vont et viennent en regardant parfois dans ma direction. Je prie pour que la jeune fille ne se retourne pas.

Vers Cuzco. Des montagnes jaunes à perte de vue. De la savane.

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